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"Hommage à George Ball" Peintre - Graveur, homme d'exception
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"Hommage à George Ball"   Peintre - Graveur, homme d'exception
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1 novembre 2021

Hommage à George Ball, par Dominique Labays

 

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Je me souviens des étoiles, en enfance, et du trouble de ce qu'à regarder un peu à côté d'elles, leur éclat en fut plus clair. La nuit dès lors pouvait durer : peut-être avant l'aube pourrais-je saisir et fixer la source d'une de leurs lueurs tremblées. On oublie ces espoirs et joies enfantins. On vit. On traîne ses guêtres. Et puis un jour, au hasard des pérégrinations d'un chien, on entre dans l'atelier de gravure sous le regard du graveur. 

Et cela revient. Il n'est pas si facile que cela le laisserait paraître de regarder des oeuvres de Georges Ball, qu'elles soient peintes ou gravées. Certes il y a l'évidence du thème, récurrent souvent, du travail, de sa précision, évidences qui font paraître bien vulgaire la notion de talent, il y a la discrète ampler de certaines oeuvres - je pense, trop vite, à la série de gravures de "la femme à l'oiseau", à la peinture "l'homme à l'oiseau", au "huitième jour"-, mais, à les fréquenter - et il faut les laisser faire leur place, creuser les murs du quotidien, vous accompagner - un autre espace vous semble peu à peu les structurer. 

Je me souviens enfant de cette question de la clarté des étoiles. Elles faisaient signe, et pour en saisir la lueur je devais regarder un peu ailleurs, ainsi des Pleïades qui souvent luisent de ne pas les fixer exactement où elles sont, ou encore de la Petite Ourse, par temps maussade. Elles semblent se mouvoir dans un autre espace, comme s'il existait un point de fuite, ou d'orgue, un peu en retrait de l'oeuvre, qui la mettait en perspective et l'illuminait, un point de l'esprit, d'une certaine manière une exergue supposée, à la fois libre et essentielle. 

 Ainsi peut-être du "Huitième jour", pour mémoire un paysage gravé dans l'écrin précis d'un carré - grec ?- presque parfait. Une côte est partagée entre ombre et lumière nuées plurielles, rideaux de pluies, reflets, flots, roches, falaises, géologie délavée, la limite zigzaguante d'une frontière abrupte, sauvage, se poursuit jusqu'au point, à l'horizon, où se confondraient terre, ciel et mer. Abstraction ou figuration ? Dans ce chaos lumineux, l'oeil - bien que rien ne l'y oblige - saura faire son chemin, définir l'espace que son désir seul fera sien, ainsi d'un lieu inconnu où l'on arrive, que l'on découvre, où l'on se situe et qui retient, un paysage côtier banal, après tout, pour qui a parfois le bonheur de partir 

 Lors, ce qui est rare chez Georges Ball pour qui peut-être est-ce trop induire, le titre implique une lecture de cette oeuvre dans le chant de notre culture et de son Livre. Il y est de fait écrit qu'après avoir pendant sept jours élaboré la Création, Dieu, au Huitième Jour, se fit repos. Le beau mot de "désormais" avait été prononcé. Il avait été dit désormais le givre en hiver à l'écorce des arbres, désormais le silence des feuilles sur les eaux, désormais les feulements la nuit et le vol du condor dans l'espace andin. La Création attend l'homme, l'empreinte du pied dans la glaise au bord du fleuve. 

Au-delà des discours et des croyances, il y a ce Livre de la culture occidentale, et dans celui-ci, ce point de la Genèse où la création est en suspens. Peut-être est-ce là l'origine vraie, plus que celle du Verbe énonçant la Lumière, où ce qui est donné l'est d'être en attente de l'homme. En cet instant d'une générosité simple et lumineuse, apnée d'un souffle qui se confondra par la suite à l'aventure humaine, toute la terre dit en silence que l'humanité doit advenir. 

 Je me souviens d'un séjour en Grêce. Un ami m'avait mené jusqu'à Delphes, Delphes aux ruines blanches dans les coquelicots rouges. Etaitce de me sentir pétrit d' admiration, de faux savoir, toujours est-il que, comme je me figeais face aux vestiges, cet ami me désigna le paysage alentour : terre mer, ciel, un port au loin, "au-delà plus nonchalantes les collines les déclives douces tandis qu'ailleurs encor la main se délasse indolente par les vallées et par les plaines et soudain revoici des rocs âpres et dénudés fruits de stimulations très intenses" Delphes, me dira l'ami, à Delphes on sait que la terre a été créée pour les hommes en vacances. 

 La gravure est là, ce désormais qui vient s'ajouter au monde. Elle à toujours été là, présente. Elle l'était, comme les étoiles, bien avant moi, elle le sera bien après, présent du graveur qui m'invita l'instant de cette page à répondre présent. Peut-être me suffirait-il d'étendre la main, de fermer les yeux, mains et yeux d'homme à Paris au bord du fleuve, pour m'imaginer en caresser les reliefs du bout des doigts, pour suivre les sillons encrés, les creux et les traits de cette feuille de papier labourée. Aveugle, pourrais-je encore ainsi toucher ce monde ? Le monde ? J'ai traversé e matin l'Ile Saint-Louis. Les ponts barraient la fluide lumière du fleuve entre les façades grèges. L'or roux des arbres longeait les rues. Ne l'oublions pas "le matin est un luxe", nous en sommes encore au huitième jour. 

Passés les ponts je songeai au graveur. Je passerais aujourd'hui à son atelier. Vint alors une exergue possible 

"'amples continents dont j'ai pu sentir que l'odeur de la terre était celle de l'esprit". 

Il s'agit d' un vers du poète grec Elytis, extraite du livre "Axion Esti", titre qui, en français, pourrait être traduit par "Loué soit"... 

 

Dominique Laba Paris, Novembre 2005

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